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LES ROUGON-MACQUART.

tenant, qui lui-même s’aboucherait uniquement avec le chef de sa section ; il serait utile aussi que ces compagnies se crussent toutes chargées de missions imaginaires, ce qui acheverait de dépister la police. Quant à la mise en œuvre de ces forces, elle était des plus simples. On attendrait la formation complète des cadres ; puis on profiterait de la première émotion politique. Comme on n’aurait sans doute que quelques fusils de chasse, on s’emparerait d’abord des postes, on désarmerait les pompiers, les gardes de Paris, les soldats de la ligne, sans livrer bataille autant que possible, en les invitant à faire cause commune avec le peuple. Ensuite, on marcherait droit au Corps législatif, pour aller de là à l’Hôtel de Ville. Ce plan, auquel Florent revenait chaque soir, comme à un scénario de drame qui soulageait sa surexcitation nerveuse, n’était encore qu’écrit sur des bouts de papier, raturés, montrant les tâtonnements de l’auteur, permettant de suivre les phases de cette conception à la fois enfantine et scientifique. Lorsque Lisa eut parcouru les notes, sans toutes les comprendre, elle resta tremblante, n’osant plus toucher à ces papiers, avec la peur de les voir éclater entre ses mains comme des armes chargées.

Une dernière note l’épouvanta plus encore que les autres. C’était une demi-feuille, sur laquelle Florent avait dessiné la forme des insignes qui distingueraient les chefs et les lieutenants ; à côté, se trouvaient également les guidons des compagnies. Même des légendes au crayon disaient la couleur des guidons pour les vingt arrondissements. Les insignes des chefs étaient des écharpes rouges ; ceux des lieutenants, des brassards, également rouges. Ce fut, pour Lisa, la réalisation immédiate de l’émeute ; elle vit ces hommes, avec toutes ces étoffes rouges, passer devant sa charcuterie, envoyer des balles dans les glaces et dans les marbres, voler les saucisses et les andouilles de l’étalage. Les infâmes projets de son beau-frère étaient un attentat contre elle-même, contre