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LE VENTRE DE PARIS.

la belle sur le trottoir, elle était très-vexée de voir que personne ne la regardait. Mais, malgré les compliments de Muche, elle ne voulut pas descendre du trottoir.

— Quelle grue ! s’écria-t-il, en redevenant grossier. Je vas t’asseoir sur ton panier aux crottes, tu sais madame Belles-fesses !

Elle s’effaroucha. Il l’avait prise par la main ; et comprenant sa faute, se montrant de nouveau câlin, fouillant vivement dans sa poche :

— J’ai un sou, dit-il.

La vue du sou calma Pauline. Il tenait le sou du bout des doigts, devant elle, si bien qu’elle descendit sur la chaussée, sans y prendre garde, pour suivre le sou. Décidément, le petit Muche était en bonne fortune.

— Qu’est-ce que tu aimes ? demanda-t-il.

Elle ne répondit pas tout de suite ; elle ne savait pas, elle aimait trop de choses. Lui, nomma une foule de friandises : de la réglisse, de la mélasse, des boules de gomme, du sucre en poudre. Le sucre en poudre fit beaucoup réfléchir la petite ; on trempe un doigt, et on le suce ; c’est très bon. Elle restait toute sérieuse. Puis, se décidant :

— Non, j’aime bien les cornets.

Alors, il lui prit le bras, il l’emmena, sans qu’elle résistât. Ils traversèrent la rue Rambuteau, suivirent le large trottoir des Halles, allèrent jusque chez un épicier de la rue de la Cossonnerie, qui avait la renommée des cornets. Les cornets sont de minces cornets de papier, où les épiciers mettent les débris de leur étalage, les dragées cassées, les marrons glacés tombés en morceaux, les fonds suspects des bocaux de bonbons. Muche fit les choses galamment ; il laissa choisir le cornet par Pauline, un cornet de papier bleu, ne le lui reprit pas, donna son sou. Sur le trottoir, elle vida les miettes de toutes sortes dans les deux poches de son tablier ; et ces poches étaient si étroites qu’elles furent pleines. Elle cro-