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LES ROUGON-MACQUART.

les rues. Il faudra revenir, entends-tu. Seulement, on ne parle pas de ça à sa maman. On ne fait pas la bête… Si tu dis quelque chose, tu sais, je te tirerai les cheveux, quand je passerai devant chez toi.

Pauline répondait toujours oui. Lui, par dernière galanterie, lui remplissait de terre les deux poches de son tablier. Il la serrait de près, cherchant maintenant à lui faire du mal, par une cruauté de gamin. Mais elle n’avait plus de sucre, elle ne jouait plus, et elle devenait inquiète. Comme il s’était mis à la pincer, elle pleura en disant qu’elle voulait s’en aller. Cela égaya beaucoup Muche, qui se montra cavalier ; il la menaça de ne pas la reconduire chez ses parents. La petite, tout à fait terrifiée, poussait des soupirs étouffés, comme une belle à la merci d’un séducteur, au fond d’une auberge inconnue. Il aurait certainement fini par la battre, pour la faire taire, lorsqu’une voix aigre, la voix de mademoiselle Saget, s’écria à côté d’eux :

— Mais, Dieu me pardonne ! c’est Pauline… Veux-tu bien la laisser tranquille, méchant vaurien !

La vieille fille prit Pauline par la main, en poussant des exclamations sur l’état pitoyable de sa toilette. Muche ne s’effraya guère ; il les suivit, riant sournoisement de son œuvre, répétant que c’était elle qui avait voulu venir, et qu’elle s’était laissée tomber par terre. Mademoiselle Saget était une habituée du square des Innocents. Chaque après-midi, elle y passait une bonne heure, pour se tenir au courant des bavardages du menu peuple. Là, aux deux côtés, il y a une longue file demi-circulaire de bancs mis bout à bout. Les pauvres gens qui étouffent dans les taudis des étroites rues voisines s’y entassent : les vieilles, desséchées, l’air frileux, en bonnet fripé ; les jeunes en camisole, les jupes mal attachées, les cheveux nus, éreintées, fanées déjà de misère ; quelques hommes aussi, des vieillards proprets, des porteurs aux vestes grasses, des messieurs suspects à chapeau noir ;