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LE VENTRE DE PARIS.

— Tiens ! tu n’es qu’une menteuse… Tu sais qu’il ne faut pas mentir… Je vais te laisser là, si tu mens, et Muche te pincera.

Muche qui rôdait devant le banc, intervint, disant de son ton décidé de petit homme :

— Allez, elle est trop dinde pour savoir… Moi, je sais que mon bon ami Florent a eu l’air joliment cornichon, hier, quand maman lui a dit comme ça, en riant, qu’il pouvait l’embrasser, si cela lui faisait plaisir.

Mais Pauline, menacée d’être abandonnée, s’était remise à pleurer.

— Tais-toi donc, tais-toi donc, mauvaise gale ! murmura la vieille en la bousculant. Là, je ne m’en vais pas, je t’achèterai un sucre d’orge, hein ! un sucre d’orge !… Alors, tu ne l’aimes pas, ton cousin Florent ?

— Non, maman dit qu’il n’est pas honnête.

— Ah ! tu vois bien que ta maman disait quelque chose.

— Un soir, dans mon lit, j’avais Mouton, je dormais avec Mouton… Elle disait à papa : « Ton frère, il ne s’est sauvé du bagne que pour nous y ramener tous avec lui. »

Mademoiselle Saget poussa un léger cri. Elle s’était mise debout, toute frémissante. Un trait de lumière venait de la frapper en pleine face. Elle reprit la main de Pauline, la fit trotter jusqu’à la charcuterie, sans parler, les lèvres pincées par un sourire intérieur, les regards pointus d’une joie aiguë. Au coin de la rue Pirouette, Muche, qui les accompagnait en gambadant, jouissant de voir la petite courir avec ses bas crottés, disparut prudemment. Lisa était dans une inquiétude mortelle. Quand elle aperçut sa fille faite comme un torchon, elle eut un tel saisissement qu’elle la tourna de tous les côtés, sans même songer à la battre. La vieille disait de sa voix mauvaise :

— C’est le petit Muche… Je vous la ramène, vous comprenez… Je les ai découverts ensemble, sous un arbre du