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LE VENTRE DE PARIS.

l’avait mis dans un saloir !… Quatre-vingt-cinq mille francs, c’est une jolie somme, d’autant plus que les Quenu ont sans doute menti ; il y avait peut-être le double, le triple… Ah bien, c’est moi qui exigerais ma part, et vite !

— Je n’ai besoin de rien, répétait toujours Florent. Je ne saurais seulement pas où le mettre, cet argent.

Alors elle s’emportait.

— Tenez, vous n’êtes pas un homme. Ça fait pitié… Vous ne comprenez donc pas que les Quenu se moquent de vous. La grosse vous passe le vieux linge et les vieux habits de son mari. Je ne dis pas cela pour vous blesser, mais enfin tout le monde s’en aperçoit… Vous avez là un pantalon, raide de graisse, que le quartier a vu au derrière de votre frère pendant trois ans… Moi, à votre place, je leur jetterais leurs guenilles à la figure, et je ferais mon compte. C’est quarante-deux mille cinq cents francs, n’est-ce pas ? Je ne sortirais pas sans mes quarante-deux mille cinq cents francs.

Florent avait beau lui expliquer que sa belle-sœur lui offrait sa part, qu’elle la tenait à sa disposition, que c’était lui qui n’en voulait pas. Il entrait dans les plus petits détails, tâchait de la convaincre de l’honnêteté des Quenu.

— Va-t’en voir s’ils viennent, Jean ! chantait-elle d’une voix ironique. Je la connais, leur honnêteté. La grosse la plie tous les matins dans son armoire à glace, pour ne pas la salir… Vrai, mon pauvre ami, vous me faites de la peine. C’est plaisir que de vous dindonner, au moins. Vous n’y voyez pas plus clair qu’un enfant de cinq ans… Elle vous le mettra, un jour, dans la poche, votre argent, et elle vous le reprendra. Le tour n’est pas plus malin à jouer. Voulez-vous que j’aille réclamer votre dû, pour voir ? Ça serait drôle, je vous en réponds. J’aurais le magot ou je casserais tout chez eux, ma parole d’honneur.

— Non, non, vous ne seriez pas à votre place, se hâtait