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LE VENTRE DE PARIS.

d’or, qu’il empocha, ricanant, la bosse sautant de joie. Alors, ce furent de continuels besoins : telle section demandait à louer un local ; telle autre devait soutenir des patriotes malheureux ; et il y avait encore les achats d’armes et de munitions, les embauchements, les frais de police. Florent aurait tout donné. Il s’était rappelé l’héritage, les conseils de la Normande. Il puisait dans le secrétaire de Lisa, retenu seulement par la peur sourde qu’il avait de son visage grave. Jamais, selon lui, il ne dépenserait son argent pour une cause plus sainte. Logre, enthousiasmé, portait des cravates roses étonnantes et des bottines vernies, dont la vue assombrissait Lacaille.

— Ça fait trois mille francs en sept jours, raconta Lisa à Quenu. Qu’en dis-tu ? C’est joli, n’est-ce pas ?… S’il y va de ce train-là, ses cinquante mille francs lui feront au plus quatre mois… Et le vieux Gradelle, qui avait mis quarante ans à amasser son magot !

— Tant pis pour toi ! s’écria Quenu. Tu n’avais pas besoin de lui parler de l’héritage.

Mais elle le regarda sévèrement, en disant :

— C’est son bien, il peut tout prendre… Ce n’est pas de lui donner cet argent qui me contrarie ; c’est de savoir le mauvais emploi qu’il doit en faire… Je te le dis depuis assez longtemps : il faudra que ça finisse.

— Agis comme tu voudras, ce n’est pas moi qui t’en empêche, finit par déclarer le charcutier, que l’avarice torturait.

Il aimait bien son frère pourtant ; mais l’idée des cinquante mille francs mangés en quatre mois lui était insupportable. Lisa, d’après les bavardages de mademoiselle Saget, devinait où allait l’argent. La vieille s’étant permis une allusion à l’héritage, elle profita même de l’occasion pour faire savoir au quartier que Florent prenait sa part et la mangeait comme bon lui semblait. Ce fut le lendemain que l’histoire