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POT-BOUILLE

Il verra plus tard, au moment du mariage… Et il ajoute qu’il nous aime bien tout de même… Quelle fichue canaille !

M. Josserand, en habit, était tombé sur une chaise. Hortense et Berthe s’assirent également, les jambes cassées ; et elles restaient là, l’une en bleu, l’autre en rose, dans leurs éternelles toilettes, retapées une fois de plus.

— Je l’ai toujours dit, murmura le père, Bachelard nous exploite… Jamais il ne lâchera un sou.

Debout, vêtue de sa robe feu, madame Josserand relisait la lettre. Puis, elle éclata.

— Ah ! les hommes !… Celui-là, n’est-ce pas ? on le croirait idiot, tant il abuse de la vie. Eh bien ! pas du tout ! Il a beau n’avoir jamais sa raison, il ouvre l’œil, dès qu’on lui parle d’argent… Ah ! les hommes !

Elle se tournait vers ses filles, auxquelles cette leçon s’adressait.

— C’est au point, voyez-vous, que je me demande quelle rage vous prend de vouloir vous marier… Allez, si vous en aviez par-dessus la tête, comme moi ! Pas un garçon qui vous aime pour vous et qui vous apporte une fortune, sans marchander ! Des oncles millionnaires qui, après s’être fait nourrir pendant vingt ans, ne donneraient seulement pas une dot à leurs nièces ! Des maris incapables, oh ! oui, monsieur, incapables !

M. Josserand baissa la tête. Cependant, Adèle, sans même écouter, achevait de desservir la table. Mais, tout d’un coup, la colère de madame Josserand tomba sur elle.

— Que faites-vous là, à nous moucharder ?… Allez donc voir dans la cuisine si j’y suis !

Et elle conclut.

— Enfin, tout pour ces vilains moineaux, et, pour nous, une brosse, si le ventre nous démange… Tenez ! ils ne