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LES ROUGON-MACQUART

Vous savez, les domestiques s’habituent ensemble, et je tiens beaucoup à Clémence…

Madame Josserand se hâta d’approuver, sentant le terrain délicat. On espérait les marier ensemble, un jour ; et l’abbé Mauduit, que les Duveyrier avaient consulté en cette affaire, hochait doucement la tête, comme pour couvrir une situation connue de toute la maison, mais dont personne ne parlait. Ces dames, du reste, ouvraient leur cœur : Valérie, le matin, avait encore renvoyé une bonne, ce qui faisait trois en huit jours ; madame Juzeur venait de se décider à prendre, aux Enfants-Assistés, une petite de quinze ans, pour la dresser ; quant à madame Josserand, elle ne tarissait pas sur Adèle, une souillon, une propre à rien, dont elle raconta des traits extraordinaires. Et toutes, languissantes sous l’éclat des bougies et le parfum des fleurs, s’enfonçaient dans ces histoires d’antichambre, remuaient les livres de comptes graisseux, se passionnaient pour l’insolence d’un cocher ou d’une laveuse de vaisselle.

— Avez-vous vu Julie ? demanda brusquement Trublot à Octave, d’un ton de mystère.

Et, comme l’autre restait interloqué :

— Mon cher, elle est épatante… Allez la voir. On fait semblant d’avoir un besoin, et on s’enfile dans la cuisine… Épatante !

Il parlait de la cuisinière des Duveyrier. La conversation des dames changeait, madame Josserand décrivait, avec une admiration débordante, une très modeste propriété que les Duveyrier possédaient près de Villeneuve-Saint-Georges, et qu’elle avait simplement aperçue du chemin de fer, en allant un jour à Fontainebleau. Mais Clotilde n’aimait pas la campagne, elle l’habitait le moins possible, attendait les vacances de son fils Gustave, qui faisait alors sa rhétorique au lycée Bonaparte.