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LES ROUGON-MACQUART

élevée, qui allait regarder les hommes par la serrure.

— Du propre ! murmura Julie de son air révolté de femme comme il faut. À la place de la petite du quatrième, c’est moi qui aurais fichu des claques à monsieur Auguste, s’il m’avait touchée, dans le salon !… Un joli coco !

Sur cette déclaration, un rire aigu sortit de la cuisine de madame Juzeur. Lisa, qui était en face, fouilla la pièce du regard, aperçut Louise, dont les quinze ans précoces s’égayaient à entendre les autres bonnes.

— Elle est du matin au soir à nous moucharder, cette gamine, dit-elle. Est-ce bête, de nous coller une enfant sur le dos ! On ne pourra bientôt plus causer.

Elle n’acheva pas. Le bruit d’une fenêtre qui s’ouvrait brusquement, les mit en fuite. Il se fit un profond silence. Mais elles se risquèrent de nouveau. Hein ? quoi ? qu’y avait-il ? Elles avaient cru que madame Valérie ou madame Josserand les surprenait.

— Pas de danger ! reprit Lisa. Elles sont toutes à tremper dans des cuvettes. Leur peau les occupe trop, pour qu’elles songent à nous embêter… C’est le seul moment de la journée où l’on respire.

— Alors, ça va toujours la même chose chez vous ? demanda Julie, qui épluchait une carotte.

— Toujours, répondit Victoire. C’est fini, elle est bouchée.

Les deux autres ricanèrent, heureuses, chatouillées par ce mot qui déshabillait crûment une de ces dames.

— Mais votre grand serin d’architecte, qu’est-ce qu’il fait donc ?

— Il débouche la cousine, pardi !

Elles riaient plus fort, lorsqu’elles virent, chez madame Valérie, la nouvelle bonne Françoise. C’était elle qui leur avait causé une alerte, en ouvrant la fenêtre. Et il y eut d’abord des politesses.