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POt-BOUILLE

— Eh bien ! à demain soir, vers neuf heures, au café de Mulhouse, dit Bachelard dans la rue, en serrant la main de M. Josserand.

Justement, le lendemain, Octave et Trublot, qui avaient dîné ensemble, avant de se rendre chez Clarisse, la maîtresse de Duveyrier, entrèrent au café de Mulhouse, pour ne pas se présenter chez elle trop tôt, bien qu’elle demeurât rue de la Cerisaie, au diable. Il était à peine huit heures. Comme ils arrivaient, un bruit violent de querelle les attira au fond, dans une salle écartée. Et, là, ils aperçurent Bachelard, déjà gris, les joues saignantes, énorme, qui se trouvait aux prises avec un petit monsieur, blême et rageur.

— Vous avez encore craché dans mon bock ! criait-il de sa voix tonnante. Je ne le souffrirai pas, monsieur !

— Fichez-moi la paix, entendez-vous ! ou je vous gifle ! dit le petit homme, debout sur la pointe des pieds.

Alors, Bachelard haussa le ton, très provocant, sans reculer d’une semelle.

— Si vous voulez, monsieur !… Comme il vous plaira !

Et, l’autre lui ayant défoncé d’une claque son chapeau, qu’il gardait crânement sur l’oreille, même dans les cafés, il répéta avec plus d’énergie :

— Comme il vous plaira, monsieur !… Si vous voulez !

Puis, après avoir ramassé son chapeau, il s’assit d’un air superbe, il cria au garçon :

— Alfred, changez-moi mon bock !

Octave et Trublot, étonnés, avaient aperçu Gueulin à la table de l’oncle, le dos appuyé contre la banquette du fond, fumant avec une tranquillité pleine d’indifférence. Comme ils l’interrogeaient sur les causes de la querelle :