Page:Emile Zola - Pot-Bouille.djvu/18

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
18
LES ROUGON-MACQUART

— Pas là, Alexandre… Mettez les soies en haut… Ce n’est plus la même marque, prenez garde !

Campardon, hésitant, dit enfin à Octave qu’il repasserait le prendre, pour le dîner. Alors, pendant deux heures, le jeune homme visita le magasin. Il le trouva mal éclairé, petit, encombré de marchandises, qui débordaient du sous-sol, s’entassaient dans les coins, ne laissaient que des passages étranglés entre des murailles hautes de ballots. À plusieurs reprises, il s’y rencontra avec madame Hédouin, affairée, filant par les plus étroits couloirs, sans jamais accrocher un bout de sa robe. Elle semblait l’âme vive et équilibrée de la maison, dont tout le personnel obéissait au moindre signe de ses mains blanches. Octave était blessé qu’elle ne le regardât pas davantage. Vers sept heures moins un quart, comme il remontait une dernière fois du sous-sol, on lui dit que Campardon était au premier, avec mademoiselle Gasparine. Il y avait là un comptoir de lingerie, que tenait cette demoiselle. Mais, en haut de l’escalier tournant, derrière une pyramide faite de pièces de calicot symétriquement rangées, le jeune homme s’arrêta net, en entendant l’architecte tutoyer Gasparine.

— Je te jure que non ! criait-il, s’oubliant jusqu’à hausser la voix.

Il y eut un silence.

— Comment se porte-t-elle ? demanda la jeune femme.

— Mon Dieu ! toujours la même chose. Ça va, ça vient… Elle sent bien que c’est fini, maintenant. Jamais ça ne se remettra.

Gasparine reprit d’une voix apitoyée :

— Mon pauvre ami, c’est toi qui es à plaindre. Enfin, puisque tu as pu t’arranger d’une autre façon… Dis-lui combien je suis chagrine de la savoir toujours souffrante…