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Page:Emile Zola - Pot-Bouille.djvu/209

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POt-BOUILLE

m’embêtait, parce que j’ai peur des histoires. L’une à droite, l’autre à gauche, il n’y avait pas de tamponnement possible… Mais j’ai dû céder, Rose assure que nous serons tous plus contents. Enfin, nous essayerons. Ça dépend d’elles deux, maintenant, d’arranger ma vie.

Cependant, Rose et Gasparine s’étaient assises côte à côte sur le canapé. Elles parlaient du passé, des jours vécus à Plassans, chez le bon père Domergue. Rose alors avait le teint plombé, les membres grêles d’une fillette malade de sa croissance, tandis que Gasparine, femme à quinze ans, était grande et désirable, avec ses beaux yeux ; et elles se regardaient aujourd’hui, elles ne se reconnaissaient plus, l’une si fraîchement grasse dans sa chasteté forcée, l’autre séchée par la vie de passion nerveuse dont elle brûlait. Gasparine, un instant, souffrit de son teint jaune et de sa robe étriquée, en face de Rose vêtue de soie, noyant sous des dentelles la délicatesse douillette de son cou blanc. Mais elle dompta ce frisson de jalousie, elle accepta tout de suite une situation de parente pauvre, à genoux devant les toilettes et les grâces de sa cousine.

— Et ta santé ? demanda-t-elle à demi-voix. Achille m’a parlé… Ça ne va pas mieux ?

— Non, non, répondit Rose, mélancolique. Tu vois, je mange, j’ai l’air très bien… Et ça ne se remet pas, ça ne se remettra jamais.

Comme elle pleurait, Gasparine la prit à son tour dans ses bras, la garda contre sa poitrine plate et ardente, pendant que Campardon accourait les consoler.

— Pourquoi pleures-tu ? disait-elle avec maternité. Le principal est que tu ne souffres pas… Qu’est-ce que ça fait, si tu as toujours autour de toi des gens pour t’aimer ?