Page:Emile Zola - Pot-Bouille.djvu/216

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
216
LES ROUGON-MACQUART

Mais, en entrant chez eux, il tomba sur une scène de famille déplorable. Les Vuillaume étaient là, révoltés, frémissants.

— C’est une indignité, monsieur ! disait la mère, debout, le bras tendu vers son gendre, écrasé sur une chaise. Vous m’aviez donné votre parole d’honneur.

— Et toi, ajoutait le père, en faisant reculer jusqu’au buffet sa fille toute tremblante, ne le défends pas, tu es aussi coupable… Vous voulez donc mourir de faim ?

Madame Vuillaume avait remis son châle et son chapeau. Elle déclara d’un ton solennel :

— Adieu !… Nous n’encouragerons pas au moins votre désordre par notre présence. Du moment où vous ne tenez nul compte de nos désirs, nous n’avons que faire ici… Adieu !

Et, comme son gendre, par la force de l’habitude, se levait pour les accompagner :

— Inutile, nous trouverons bien l’omnibus sans vous… Passez devant, monsieur Vuillaume. Qu’ils mangent leur dîner, et que ça leur profite, car ils n’en auront pas toujours !

Octave, stupéfait, dut s’effacer. Quand ils furent partis, il regarda Jules atterré sur sa chaise et Marie très pâle devant le buffet. Tous deux se taisaient.

— Qu’est-ce donc ? demanda-t-il.

Mais, sans lui répondre, la jeune femme, d’une voix dolente, gronda son mari.

— Je t’avais prévenu. Tu aurais dû attendre, pour leur couler la chose en douceur. Rien ne pressait, ça ne se voit pas encore.

— Qu’est-ce donc ? répéta Octave.

Alors, sans même se tourner, elle dit crûment, dans son émotion :

— Je suis enceinte.

— Ils m’embêtent à la fin ! cria Jules qui se levait,