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POT-BOUILLE

quitter ainsi une maison où il avait de l’avenir. Mais elle était tout à sa glace, elle l’écoutait mal.

— Voyez donc cette rougeur, là, derrière l’oreille… Est-ce que c’est un bouton ?

Il dut lui examiner la nuque, qu’elle lui tendait, avec sa belle tranquillité de femme sacrée.

— Ce n’est rien, dit-il. Vous vous serez débarbouillée trop fort.

Et, quand il l’eut aidée à remettre son peignoir, tout de satin bleu et brodé d’argent, ce soir-là, ils passèrent dans la salle à manger. Dès le potage, on causa du départ d’Octave de chez les Hédouin. Campardon s’exclamait, pendant que Gasparine avait aux lèvres son mince sourire ; du reste, ils étaient très à l’aise l’un devant l’autre. Le jeune homme finit même par être touché des tendres prévenances dont ils accablaient Rose. Campardon lui versait à boire, Gasparine choisissait à son intention le meilleur morceau du plat. Était-elle contente du pain, car on aurait changé le boulanger ? voulait-elle un oreiller pour lui soutenir le dos ? Et Rose, pleine de gratitude, les suppliait de ne pas se déranger ainsi. Elle mangeait beaucoup, trônait entre eux, avec sa gorge douillette de belle blonde, dans son peignoir de reine, ayant à sa droite son mari essoufflé, qui maigrissait, et à sa gauche la cousine sèche, noire, les épaules rétrécies sous sa robe sombre, la chair fondue par la passion.

Au dessert, Gasparine tança vertement Lisa qui répondait mal à madame, au sujet d’un morceau de fromage égaré. La femme de chambre devint très humble. Déjà, Gasparine avait mis la main sur le ménage et dompté les bonnes ; d’un mot, elle faisait trembler Victoire elle-même devant ses casseroles. Aussi Rose reconnaissante lui adressa-t-elle un regard mouillé ; on la respectait, depuis qu’elle était là, et son