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POt-BOUILLE

nouvel arrangement. Tout marchait mieux dans le ménage, on y riait du matin au soir.

— Lorsque je vois Achille content, reprit-elle, ça me contente.

Puis, ramenée aux affaires du jeune homme :

— Alors, vraiment, vous nous quittez ?… Restez donc, puisque nous allons tous être heureux.

Il recommença ses explications. Elle comprit, elle baissa les yeux : en effet, ce garçon devenait gênant, dans leurs expansions de famille, et elle-même éprouvait comme un soulagement de son départ, n’ayant plus d’ailleurs besoin de lui, pour tuer ses soirées. Il dut jurer de la venir voir souvent.

— Emballée, Mignon aspirant au ciel ! cria la voix joyeuse de Campardon. Attendez, cousine, je vas vous descendre.

On l’entendit qui la prenait dans ses bras et qui la déposait quelque part. Il y eut un silence, puis un petit rire. Mais déjà l’architecte rentrait dans le salon ; et il présenta sa joue échauffée à sa femme.

— C’est fini, ma cocotte… Embrasse ton loup, qui a bien travaillé.

Gasparine vint, avec une broderie, s’asseoir près de la lampe. Campardon s’était mis à découper en plaisantant une croix d’honneur dorée, trouvée sur une étiquette ; et il rougit fortement, lorsque Rose voulut lui attacher cette croix de papier avec une épingle : on en faisait un mystère, quelqu’un lui avait promis la décoration. De l’autre côté de la lampe, Angèle, qui apprenait une leçon d’histoire sainte, levait par moments la tête, coulait des regards, de son air énigmatique de fille bien élevée, instruite à ne rien dire, et dont on ignore les pensées vraies. C’était une soirée douce, un coin patriarcal d’une grande bonhomie.

Mais l’architecte, brusquement, eut une révolte de