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POT-BOUILLE

Octave pourtant, à l’entrée de l’abbé Mauduit, avait souhaité le bonsoir aux Campardon. Comme il traversait l’antichambre, il entendit, dans la salle à manger toute noire, la voix d’Angèle, qui s’était échappée, elle aussi.

— C’est pour le beurre qu’elle criait ? demandait-elle.

— Bien sûr, répondait une autre voix, celle de Lisa. Elle est méchante comme une gale. Vous avez bien vu, à table, de quelle façon elle m’a ramassée… Mais je m’en fiche ! Faut avoir l’air d’obéir, avec une particulière de cette espèce, et ça n’empêche pas, on rigole tout de même !

Alors, Angèle dut se jeter au cou de Lisa, car sa voix s’étouffa dans le cou de la bonne.

— Oui, oui… Et, après, tant pire ! c’est toi que j’aime !

Octave montait se coucher, lorsqu’un besoin de grand air le fit descendre. Il était au plus dix heures, il irait jusqu’au Palais-Royal. Maintenant, il se retrouvait garçon : pas de femme, ni Valérie ni madame Hédouin n’avaient voulu de son cœur, et il s’était trop pressé de rendre à Jules Marie, la seule qu’il eût conquise, encore sans avoir rien fait pour ça. Il tâchait d’en rire, mais il éprouvait une tristesse ; il se rappelait avec amertume ses succès de Marseille et voyait un mauvais présage, une véritable atteinte à sa fortune, dans la déroute de ses séductions. Un froid le glaçait, quand il n’avait pas des jupes autour de lui. Jusqu’à madame Campardon qui le laissait partir sans larmes ! C’était une terrible revanche à prendre. Est-ce que Paris allait se refuser ?

Comme il posait le pied sur le trottoir, une voix de femme l’appela ; et il reconnut Berthe, sur le seuil du magasin de soierie, dont un garçon mettait les volets.