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POt-BOUILLE

n’osait l’accompagner, resta à piétiner au milieu du salon. Cependant, après quelques minutes d’hésitation et de gêne, comme il entendait des pas précipités, des voix éperdues, il se décida, il traversa une pièce obscure, puis se trouva dans la chambre de M. Vabre. Tous les domestiques étaient accourus, Julie en tablier de cuisine, Clémence et Hippolyte, l’esprit encore occupé d’une partie de dominos qu’ils venaient de lâcher ; et, debout, l’air ahuri, ils entouraient le vieillard, pendant que Clotilde, penchée à son oreille, l’appelait, le suppliait de dire un mot, un seul mot. Mais il ne bougeait toujours pas, le nez dans ses fiches. Il avait tapé du front sur son encrier. Une éclaboussure d’encre lui couvrait l’œil gauche, coulant en minces gouttes jusqu’à ses lèvres.

— C’est une attaque, dit Octave. On ne peut le laisser là. Il faut le mettre sur son lit.

Mais madame Duveyrier perdait la tête. Peu à peu, l’émotion montait dans ses veines lentes. Elle répétait :

— Vous croyez, vous croyez… Ô mon Dieu ! ô mon pauvre père !

Hippolyte ne se hâtait point, travaillé d’une inquiétude, d’une répulsion visible à toucher le vieux, qui allait peut-être passer entre ses bras. Il fallut qu’Octave lui criât de l’aider. À eux deux, ils le couchèrent.

— Apporte donc de l’eau tiède ! reprit le jeune homme, en s’adressant à Julie. Débarbouillez-le.

Maintenant, Clotilde s’irritait contre son mari. Est-ce qu’il aurait dû être dehors ? Qu’allait-elle devenir, s’il arrivait un accident ? C’était comme un fait exprès, jamais il ne se trouvait à la maison, quand on avait besoin de lui ; et Dieu savait cependant qu’on en avait rarement besoin ! Octave l’interrompit pour lui conseiller d’envoyer chercher le docteur Juillerat. Personne