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POT-BOUILLE

— Mais il fallait m’appeler ! dit gaillardement le jeune homme. À deux, on n’a pas peur, dans un lit.

Elle prit un air de honte charmant.

— Taisez-vous, c’est vilain !

Et elle lui appliqua sa main ouverte sur les lèvres. Naturellement, il dut la baiser. Alors, elle écarta les doigts davantage, en riant, comme chatouillée. Mais lui, excité par ce jeu, chercha à pousser les choses plus loin. Il l’avait saisie, la serrait contre sa poitrine, sans qu’elle fît un mouvement pour se dégager ; et très bas, dans un souffle, à l’oreille :

— Voyons, pourquoi ne voulez-vous pas ?

— Oh ! en tout cas, pas aujourd’hui !

— Pourquoi, pas aujourd’hui ?

— Mais avec ce mort, là-dessous… Non, non, ça me serait impossible.

Il la serrait plus rudement, et elle s’abandonnait. Leurs haleines chauffaient leurs visages.

— Alors, quand ? demain ?

— Jamais.

— Vous êtes libre pourtant, votre mari s’est conduit si mal que vous ne lui devez rien… Hein ? la peur d’un enfant peut-être ?

— Non, je ne puis en avoir, des médecins me l’ont dit.

— Eh bien ! s’il n’y a aucune raison sérieuse, ce serait trop bête…

Et il la violentait. Très souple, elle glissa. Puis, le reprenant elle-même dans ses bras, l’empêchant de faire un mouvement, elle murmura de sa voix caressante :

— Tout ce que vous voudrez, mais pas ça !… Entendez-vous, ça, jamais ! jamais ! J’aimerais mieux mourir… C’est une idée à moi, mon Dieu ! J’ai juré au ciel, enfin vous n’avez pas besoin de savoir… Vous êtes donc