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POT-BOUILLE

mandise de petite fille mit une langueur ravie sur son visage. Elle aurait vécu de sucre, les douceurs à la vanille et à la rose la troublaient comme un attouchement.

— Ça nous soutiendra, dit-elle.

Et, dans l’antichambre, elle ferma les yeux, lorsqu’il la baisa sur la bouche. Leurs lèvres sucrées fondaient, pareilles à des bonbons.

Il était près d’onze heures. Le corps n’avait pu être descendu pour l’exposition, car les ouvriers des Pompes funèbres, après s’être oubliés chez un marchand de vin du voisinage, n’en finissaient plus de poser les tentures. Octave alla regarder par curiosité. La voûte se trouvait déjà barrée d’un large rideau noir ; mais les tapissiers avaient encore à accrocher les draps de la porte. Et sur le trottoir, le nez en l’air, un groupe de bonnes causaient ; pendant qu’Hippolyte, en grand deuil, pressait le travail, d’un air digne.

— Oui, madame, disait Lisa à une femme sèche, une veuve, qui était chez Valérie depuis une semaine, ça ne lui aura servi à rien… Le quartier connaît bien l’histoire. Pour être sûre de sa part dans l’héritage du vieux, elle s’est fait faire cet enfant-là par un boucher de la rue Sainte-Anne, tant son mari avait l’air de vouloir crever tout de suite… Mais le mari dure encore, et voilà le vieux parti. Hein ? elle est joliment avancée, avec son sale mioche !

La veuve hochait la tête, pleine de dégoût.

— Bien fait ! répondit-elle. Elle en est pour sa cochonnerie… Plus souvent que je resterais chez elle ! Je lui ai fichu mes huit jours, ce matin. Est-ce que son petit monstre de Camille ne faisait pas caca dans ma cuisine !

Mais Lisa courut questionner Julie qui descendait donner un ordre à Hippolyte. Puis, après quelques