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POT-BOUILLE

mène qu’Hippolyte de la campagne. Et, à propos, vous connaissez Hippolyte, le grand vilain gendarme qui est avec Clémence ? Eh bien ! je viens de le voir en chemise se glisser chez Louise, ce laideron d’enfant trouvée dont madame Juzeur veut sauver l’âme. Hein ? un joli succès pour madame. Tout ce que vous voudrez, mais pas ça !… Un avorton de quinze ans, un paquet sale ramassé sous une porte, en voilà un morceau pour ce gaillard osseux, aux mains humides, qui a des épaules de taureau ! Moi, je m’en fiche, et ça me dégoûte tout de même.

Cette nuit-là, Trublot, ennuyé, était plein d’aperçus philosophiques. Il murmura :

— Dame ! tel maître, tel valet… Quand les propriétaires donnent l’exemple, les larbins peuvent bien avoir des goûts pas honnêtes. Ah ! tout fout le camp en France, décidément !

— Adieu, je vous quitte, dit Octave.

Trublot le retint encore. Il énumérait les chambres de bonnes où il aurait pu coucher, si l’été n’avait pas vidé la maison. Le pis était que toutes fermaient leurs portes à double tour, même pour aller simplement au bout du corridor, tellement elles craignaient entre elles d’être volées. Rien à faire chez Lisa, dont les goûts lui semblaient drôles. Il ne poussait pas jusqu’à Victoire, qui pourtant, dix ans plus tôt, aurait encore fait ses choux gras. Et il déplora surtout la rage de Valérie à changer de cuisinière. Ça devenait insupportable. Il les comptait sur ses doigts, tout un défilé galopait : une qui avait exigé du chocolat le matin ; une qui s’en était allée parce que monsieur ne mangeait pas proprement ; une que la police était venue prendre, comme elle mettait au feu un morceau de veau ; une qui ne pouvait rien toucher sans le casser, tellement elle avait de la force ; une qui prenait une bonne pour la servir ; une