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POt-BOUILLE

autre œil quelque part ; Adèle elle-même tapait sur l’ancienne demoiselle de sa dame, dont elle étalait les indispositions, les dessous douteux, les secrets de toilette. Et une blague ordurière salissait leurs baisers, leurs rendez-vous, tout ce qu’il y avait encore de bon et de délicat dans leurs tendresses.

— Gare là-dessous ! cria brusquement Victoire, v’là des carottes d’hier qui m’empoisonnent ! C’est pour cette crapule de père Gourd !

Les bonnes, par méchanceté, jetaient ainsi des débris, que le concierge devait balayer.

— Et v’là un reste de rognon moisi ! dit à son tour Adèle.

Tous les fonds de casserole, toutes les vidures de terrine y passèrent, pendant que Lisa s’acharnait sur Berthe et sur Octave, arrachant les mensonges dont ils couvraient la nudité malpropre de l’adultère. Ils restaient, la main dans la main, face à face, sans pouvoir détourner les yeux ; et leurs mains se glaçaient, et leurs yeux s’avouaient l’ordure de leur liaison, l’infirmité des maîtres étalée dans la haine de la domesticité. C’était ça leurs amours, cette fornication sous une pluie battante de viande gâtée et de légumes aigres !

— Et vous savez, dit Hippolyte, que le jeune monsieur se fiche absolument de la paroissienne. Il l’a prise pour se pousser dans le monde… Oh ! un avare au fond malgré sa pose, un gaillard sans scrupule, qui, avec son air d’aimer les femmes, leur flanque très bien des gifles !

Berthe, les yeux sur Octave, le regardait blêmir, la face bouleversée, si changé, qu’il lui faisait peur.

— Ma foi ! ils se valent, reprit Lisa. Je ne donnerais pas non plus grand’chose de sa peau, à elle. Mal élevée, le cœur dur comme une pierre, se fichant de tout ce qui n’est pas son plaisir, couchant pour l’argent,