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LES ROUGON-MACQUART

heures sonnaient à la pendule, tous s’embrassèrent avec émotion. Jules mettait son chapeau, pour les accompagner à l’omnibus. Ce recommencement des habitudes anciennes les attendrit au point qu’ils s’embrassèrent une seconde fois sur le palier. Quand ils furent partis, Marie, qui les regardait descendre, accoudée à la rampe, près d’Octave, ramena celui-ci dans la salle à manger, en disant :

— Allez, maman n’est pas méchante, et elle a raison au fond : les enfants, ce n’est pas drôle !

Elle avait refermé la porte, elle débarrassait la table des verres qui traînaient encore. L’étroite pièce, où la lampe charbonnait, était toute tiède de la petite fête de famille. Lilitte continuait à dormir sur un coin de la toile cirée.

— Je vais aller me coucher, murmura Octave.

Et il s’assit, trouvant là un bien-être.

— Tiens ! vous vous couchez déjà ! reprit la jeune femme. Ça ne vous arrive pas souvent, d’être si rangé. Vous avez donc quelque chose à faire de bonne heure, demain ?

— Mais non, répondit-il. J’ai sommeil, voilà tout… Oh ! je puis bien vous donner dix minutes.

La pensée de Berthe lui était venue. Elle ne monterait qu’à minuit et demi : il avait le temps. Et cette pensée, l’espoir de la posséder toute une nuit, dont il brûlait depuis des semaines, ne retentissait plus à grands coups dans sa chair. Sa fièvre de la journée, le tourment de son désir comptant les minutes, évoquant la continuelle image du bonheur prochain, tombaient sous la fatigue de l’attente.

— Voulez-vous encore un petit verre de cognac ? demanda Marie.

— Mon Dieu ! je veux bien.

Il pensait que cela le ragaillardirait. Quand elle l’eut