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POT-BOUILLE

Des larmes lui mouillaient les yeux, elle restait triste, toujours sans colère. Quand il la quitta, il était mécontent, il aurait voulu se coucher et dormir. Sa passion satisfaite avait un arrière-goût de gâté, une pointe de chair corrompue dont sa bouche gardait l’amertume. Mais l’autre allait venir maintenant, il fallait l’attendre ; et cette pensée de l’autre pesait terriblement à ses épaules, il souhaitait une catastrophe qui l’empêchât de monter, après avoir passé des nuits de flamme à bâtir des plans extravagants, pour la tenir seulement une heure dans sa chambre. Peut-être lui manquerait-elle de parole une fois encore. C’était un espoir dont il n’osait se bercer.

Minuit sonna. Octave, debout, fatigué, tendait l’oreille, avec la peur d’entendre le frôlement de ses jupes, le long du corridor étroit. À minuit et demi, il fut pris d’une véritable anxiété ; à une heure, il se crut sauvé, et il y avait cependant, dans son soulagement, une irritation sourde, le dépit d’un homme dont une femme se moque. Mais, comme il se décidait à se déshabiller, avec des bâillements gros de sommeil, on frappa trois petits coups. C’était Berthe. Il fut contrarié et flatté, il s’avançait les bras ouverts, lorsqu’elle l’écarta, tremblante, écoutant à la porte, qu’elle avait refermée vivement.

— Quoi donc ? demanda-t-il en baissant la voix.

— Je ne sais pas, j’ai eu peur, balbutia-t-elle. Il fait si noir dans cet escalier, j’ai cru qu’on me poursuivait… Mon Dieu ! que c’est bête, ces aventures-là ! Pour sûr, il va nous arriver un malheur.

Cela les glaça tous les deux. Ils ne s’embrassèrent pas. Elle était pourtant charmante, dans son peignoir blanc, avec ses cheveux dorés, tordus sur la nuque. Il la regardait, la trouvait beaucoup mieux que Marie ; mais il n’en avait plus envie, c’était une corvée. Elle, pour reprendre haleine, venait de s’asseoir. Et, brusquement,