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POT-BOUILLE

léonore. Mais je ne veux pas la voir et je file devant, pour qu’on ne nous rencontre pas ensemble.

Il descendit. Cinq minutes plus tard, Octave, ravi du dénouement de l’aventure, le rejoignait. Il se glissa dans le fiacre, et le mélancolique cheval qui venait de promener le mari pendant sept heures, les traîna en boitant jusqu’à un restaurant des Halles, où l’on mangeait des tripes étonnantes.

Duveyrier avait retrouvé Théophile au fond du magasin. Valérie rentrait à peine, et tous trois causaient, lorsque Clotilde elle-même arriva, de retour d’un concert. Elle y était d’ailleurs allée bien tranquille, certaine, disait-elle, d’une solution satisfaisante pour tout le monde. Puis, il y eut un silence, un embarras entre les deux ménages. Théophile, du reste, pris d’un accès de toux abominable, crachait ses dents. Comme tous avaient intérêt à se réconcilier, ils finirent par profiter de l’émotion où les jetaient les nouveaux ennuis de la famille. Les deux femmes s’embrassèrent, Duveyrier jura à Théophile que la succession du père Vabre le ruinait, et il promit pourtant de l’indemniser, en lui abandonnant ses loyers pendant trois ans.

— Il faut aller rassurer ce pauvre Auguste, fit enfin remarquer le conseiller.

Il montait, lorsque des cris terribles d’animal qu’on égorge partirent de la chambre à coucher. C’était Saturnin qui, armé de son couteau de cuisine, avait pénétré jusqu’à l’alcôve, en étouffant le bruit de ses pas. Et là, les yeux rouges comme des braises, la bouche écumeuse, il venait de se jeter sur Auguste.

— Dis, où l’as-tu fourrée ? criait-il. Rends-la-moi, ou je te saigne comme un cochon !

Le mari, tiré en sursaut de sa somnolence douloureuse, voulut fuir. Mais le fou, avec la force de l’idée fixe, l’avait empoigné par un pan de sa chemise ; et, le