deux filles restèrent alors à causer dans la salle à manger, pendant que la mère se dirigeait vers le salon. Devant la porte, avant de la pousser, elle examina d’un œil inquiet sa vieille robe de soie verte, tâcha de la boutonner, l’éplucha des fils ramassés sur les parquets ; et elle fit rentrer d’une tape sa gorge débordante.
— Vous m’excusez, chère madame, dit la visiteuse avec un sourire. Je passais, j’ai voulu avoir de vos nouvelles.
Elle était sanglée, coiffée, collée, dans une toilette d’une correction parfaite, et elle avait l’aisance d’une femme aimable, montée pour donner le bonjour à une amie. Seulement, son sourire tremblait, on sentait derrière ses grâces mondaines une angoisse affreuse, dont frissonnait tout son être. Elle parla d’abord de mille choses, évita de prononcer le nom de Léon, puis se décida à sortir de sa poche une lettre de lui, qu’elle venait de recevoir.
— Oh ! une lettre, une lettre, murmura-t-elle, la voix changée, gagnée par les larmes. Qu’a-t-il donc contre moi, chère madame ? Le voilà qui ne veut plus remettre les pieds chez nous !
Et sa main fiévreuse tendait la lettre, qui remuait. Madame Josserand la prit, la lut froidement. C’était une rupture, en trois lignes d’une concision cruelle.
— Mon Dieu ! dit-elle en la lui rendant, Léon n’a peut-être pas tort…
Mais, tout de suite, madame Dambreville vanta la veuve, une femme de trente-cinq ans à peine, du plus grand mérite, suffisamment riche, qui ferait un ministre de son mari, tant elle était active. Enfin, elle tenait ses promesses, elle trouvait pour Léon un beau parti : qu’avait-il à se fâcher ? Et, sans attendre une réponse, se décidant dans un tressaillement nerveux, elle nomma Raymonde, sa nièce. Vraiment, était-ce