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POT-BOUILLE

— Les Vabre sont coulés alors !

Elle eut un sourire, elle murmura d’un ton de reproche :

— Vous les détestez donc ? Ce n’est pas bien, vous êtes le dernier qui devriez leur souhaiter du mal.

Jamais elle ne lui avait parlé de ses amours avec Berthe. Cette brusque allusion le gêna beaucoup, sans qu’il sût pourquoi. Il rougissait, il balbutiait des explications.

— Non, non, ça ne me regarde pas, reprit-elle toujours souriante et très calme. Pardonnez-moi, ça m’a échappé, je m’étais promis de ne jamais vous en ouvrir la bouche… Vous êtes jeune. Tant pis pour celles qui veulent bien, n’est-ce pas ? C’est aux maris à garder leurs femmes, quand celles-ci ne peuvent se garder toutes seules.

Il éprouva un soulagement, en comprenant qu’elle n’était pas fâchée. Souvent, il avait redouté une froideur de sa part, si elle venait à savoir son ancienne liaison.

— Vous m’avez interrompue, monsieur Octave, recommença-t-elle gravement. J’allais ajouter que, si j’achète la maison voisine et que je double ainsi l’importance de mes affaires, il m’est impossible de rester seule… Je vais être forcée de me remarier.

Octave resta saisi. Comment ! elle avait déjà un mari en vue, et il l’ignorait ! Tout de suite, il sentit sa position compromise.

— Mon oncle, continuait-elle, me l’a dit lui-même… Oh ! rien ne presse en ce moment. Je suis en deuil de huit mois, j’attendrai l’automne. Seulement, dans le commerce, il faut bien mettre le cœur de côté et songer aux nécessités de sa situation… Un homme est absolument nécessaire ici.

Elle discutait cela posément, comme une affaire, et il la regardait, d’une beauté régulière et saine, le visage