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LES ROUGON-MACQUART

— Hein ? quoi ? bégaya-t-il, sans avoir besoin d’exagérer son ivresse. Jamais promettre… Comprends pas du tout. Répète un peu, Éléonore.

Celle-ci recommença, le fit embrasser par Berthe qui pleurait, le supplia au nom de la santé de son mari, lui prouva qu’en donnant les cinquante mille francs, il remplissait un devoir sacré. Puis, comme il se rendormait, sans avoir l’air d’être affecté le moins du monde par la vue du malade et de cette chambre douloureuse, elle éclata brusquement en paroles violentes.

— Tiens ! Narcisse, il y a trop longtemps que ça dure, tu es une canaille !… Je connais toutes tes cochonneries. Tu viens de marier ta maîtresse à Gueulin, et tu leur as donné cinquante mille francs, juste la somme que tu nous avais promise… Ah ! c’est propre, le petit Gueulin joue là dedans un joli rôle ! Et toi, tu es plus sale encore, tu nous retires le pain de la bouche, tu prostitues ta fortune, oui ! tu la prostitues, en nous volant pour cette catin un argent qui nous appartenait !

Jamais elle ne s’était soulagée à ce point. Hortense, gênée, dut s’occuper de la potion de son père, afin d’avoir un maintien. Celui-ci, dont cette scène enfiévrait le mal, s’agitait sur l’oreiller, répétait d’une voix tremblante :

— Je t’en prie, Éléonore, tais-toi, il ne donnera rien… Si tu veux lui dire des choses, emmène-le, pour que je ne vous entende pas.

Berthe, de son côté, pleurait plus fort, se joignait à son père.

— Assez, maman, fais plaisir à papa… Mon Dieu ! suis-je malheureuse d’être la cause de toutes ces disputes ! J’aime mieux m’en aller, j’irai mourir quelque part.

Alors, madame Josserand posa carrément la question à l’oncle.