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LES ROUGON-MACQUART

Alors, ils quittèrent la maison, ils suivirent doucement la rue Neuve-Saint-Augustin. Une peur d’avoir trop parlé les tenait muets, car ils avaient l’un et l’autre bien des ménagements à garder, dans leurs positions. Comme ils arrivaient au bout de la rue, ils aperçurent, en levant la tête, madame Hédouin qui leur souriait, debout sur la porte du Bonheur des Dames. Derrière elle, Octave riait également. Le matin même, après une conversation sérieuse, tous deux avaient décidé leur mariage. Ils attendraient l’automne. Et ils étaient dans la joie de cette affaire conclue.

— Bonjour, monsieur l’abbé ! dit gaiement madame Hédouin. Toujours en course, docteur ?

Et, comme ce dernier la félicitait sur sa belle mine, elle ajouta.

— Oh ! s’il n’y avait que moi, vous ne feriez pas vos affaires.

Ils causèrent un instant. Le médecin ayant parlé des couches de Marie, Octave parut enchanté d’apprendre l’heureuse délivrance de son ancienne voisine. Puis, quand il sut qu’elle venait d’avoir une troisième fille, il s’écria :

— Son mari ne peut donc pas décrocher un garçon !… Elle espérait encore faire avaler un garçon à monsieur et à madame Vuillaume ; mais jamais ceux-ci ne digéreront une fille.

— Je crois bien, dit le docteur. Tous deux sont au lit, tellement la nouvelle de la grossesse les a révolutionnés. Et ils ont appelé un notaire, pour que leur gendre n’hérite même pas de leurs meubles.

On plaisanta. Le prêtre seul restait silencieux, les regards à terre. Madame Hédouin lui demanda s’il était souffrant. Oui, il se sentait très fatigué, il allait prendre un peu de repos. Et, après un échange de politesses cordiales, il descendit la rue Saint-Roch, toujours