Page:Emile Zola - Pot-Bouille.djvu/64

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
64
LES ROUGON-MACQUART

sourds et lointains émotionnèrent les invités. Depuis un instant, c’étaient des secousses de plus en plus violentes, comme si quelqu’un se fût efforcé d’enfoncer une porte. On se taisait, on s’interrogeait des yeux.

— Qu’est-ce donc ? osa demander Valérie. Ça tapait déjà tout à l’heure, pendant la fin du morceau.

Madame Josserand était devenue toute pâle. Elle avait reconnu le coup d’épaule de Saturnin. Ah ! le misérable toqué ! et elle le voyait tomber au milieu du monde. S’il continuait à cogner, encore un mariage de fichu !

— C’est la porte de la cuisine qui bat, dit-elle avec un sourire contraint. Adèle ne veut jamais la fermer… Va donc voir, Berthe.

La jeune fille, elle aussi, avait compris. Elle se leva et disparut. Les coups cessèrent aussitôt, mais elle ne revint pas tout de suite. L’oncle Bachelard, qui avait scandaleusement troublé les Bords de l’Oise par des réflexions faites à voix haute, acheva de décontenancer sa sœur, en criant à Gueulin qu’on l’embêtait et qu’il allait boire un grog. Tous deux rentrèrent dans la salle à manger, dont ils refermèrent bruyamment la porte.

— Ce brave Narcisse, toujours original ! dit madame Josserand à madame Juzeur et à Valérie, entre lesquelles elle vint s’asseoir. Ses affaires l’occupent tant ! Vous savez qu’il a gagné près de cent mille francs, cette année !

Octave, libre enfin, s’était hâté de rejoindre Trublot, assoupi sur le canapé. Près d’eux, un groupe entourait le docteur Juillerat, vieux médecin du quartier, homme médiocre, mais devenu à la longue bon praticien, qui avait accouché toutes ces dames et soigné toutes ces demoiselles. Il s’occupait spécialement des maladies de femme, ce qui le faisait, le soir, rechercher des maris en quête d’une consultation gratuite, dans un