Page:Emile Zola - Pot-Bouille.djvu/69

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
69
POT-BOUILLE

le dos du monsieur. Trublot connaissait la maîtresse, une bonne fille, une ancienne roulure qui s’était rangée, plus honnête maintenant, disait-il, que la plus honnête des bourgeoises, soignant son homme, veillant à son linge ; et il était pour elle plein d’une fraternelle sympathie. Pendant qu’on les étudiait de la salle à manger, Hortense faisait une scène à Verdier sur son retard, avec sa maussaderie de fille vierge et bien élevée.

— Tiens ! du sirop de groseille ! dit Trublot, en voyant Adèle devant lui, le plateau à la main.

Il le flaira, n’en voulut point. Mais, comme la bonne se retournait, le coude d’une grosse dame la poussa contre lui, et il la pinça fortement aux reins. Elle sourit, elle revint avec le plateau.

— Non, merci, déclara-t-il. Tout à l’heure.

Autour de la table, des femmes s’étaient assises, tandis que les hommes, derrière elles, mangeaient debout. Il y eut des exclamations, un enthousiasme qui s’étouffait dans les bouches pleines. On appelait les messieurs. Madame Josserand cria :

— C’est vrai, je n’y songeais plus… Voyez donc, monsieur Mouret, vous qui aimez les arts.

— Prenez garde, le coup de l’aquarelle ! murmura Trublot, qui connaissait la maison.

C’était mieux qu’une aquarelle. Comme par hasard, une coupe de porcelaine se trouvait sur la table ; au fond, encadrée dans la monture toute neuve de bronze verni, était peinte la Jeune fille à la cruche cassée, en teintes lavées qui allaient du lilas clair au bleu tendre. Berthe souriait au milieu des éloges.

— Mademoiselle a tous les talents, dit Octave avec sa bonne grâce. Oh ! c’est d’un fondu, et très exact, très exact !

— Pour le dessin, je le garantis ! reprit madame Josserand triomphante. Il n’y a pas un cheveu en plus