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LES ROUGON-MACQUART

faisait. Quant à Valérie, elle ne valait pas grand’chose, elle se serait tout aussi mal conduite, même si son mari l’avait contentée, tellement la nature l’emportait. Personne n’ignorait du reste que, deux mois après son mariage, désespérée de voir qu’elle n’aurait jamais d’enfant, et craignant de perdre sa part de l’héritage du vieux Vabre, si Théophile venait à mourir, elle s’était fait faire son petit Camille par un garçon boucher de la rue Sainte-Anne.

Campardon se pencha une dernière fois à l’oreille d’Octave.

— Enfin, vous savez, mon cher, une femme hystérique !

Et il mettait, dans ce mot, toute la gaillardise bourgeoise d’une indécence, le sourire lippu d’un père de famille dont l’imagination, brusquement lâchée, se repaît de tableaux orgiaques. Angèle baissa les yeux sur son assiette, évitant de regarder Lisa pour ne pas rire, comme si elle avait entendu. Mais la conversation tournait, on parlait maintenant des Pichon, et les paroles louangeuses ne tarissaient pas.

— Oh ! ceux-là, quels braves gens ! répétait madame Campardon. Parfois, lorsque Marie sort avec sa petite Lilitte, je lui permets d’emmener Angèle. Et je vous le jure, monsieur Mouret, je ne confie pas ma fille à tout le monde ; il faut que je sois absolument certaine de la moralité des personnes… N’est-ce pas, Angèle, que tu aimes bien Marie ?

— Oui, maman, répondit Angèle.

Les détails continuèrent. Il était impossible de trouver une femme mieux élevée, dans des principes plus sévères. Aussi fallait-il voir comme le mari était heureux ! Un petit ménage si gentil, et propre, et qui s’adorait, et où l’on n’entendait jamais un mot plus haut l’un que l’autre !