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POT-BOUILLE

Octave se défendait. Enfin, il dut entrer. Bien qu’il eût déjà bu du café, on l’obligea d’en accepter une tasse. Pour lui faire honneur, on l’avait placé entre monsieur et madame Vuillaume. En face, de l’autre côté de la table ronde, Marie était reprise d’une de ces confusions, qui, à chaque instant, sans cause apparente, lui jetaient tout le sang du cœur au visage. Il la regarda, ne l’ayant jamais vue à l’aise. Mais, comme disait Trublot, ce n’était pas son idéal : elle lui parut pauvre, effacée, la figure plate, les cheveux rares, avec des traits fins et jolis pourtant. Quand elle fut un peu rassurée, elle eut de petits rires, en reparlant de la voiture, sur laquelle elle ne tarissait pas.

— Jules, si tu avais vu monsieur l’emporter entre ses bras… Ah bien ! ça n’a pas traîné !

Pichon remercia encore. Il était grand et maigre, l’air dolent, plié déjà à la vie mécanique du bureau, ayant dans ses yeux ternes la résignation hébétée des chevaux de manège.

— De grâce ! n’en parlons plus, finit par dire Octave. Vraiment, ça ne vaut pas la peine… Madame, votre café est exquis, je n’en ai jamais bu de pareil.

Elle rougit de nouveau, et si fort, que ses mains elles-mêmes devinrent roses.

— Ne la gâtez pas, monsieur, dit gravement M. Vuillaume. Son café est bon, mais il y en a de meilleur. Et vous voyez comme elle a été fière tout de suite !

— La fierté ne vaut rien, déclara madame Vuillaume. Nous lui avons toujours recommandé la modestie.

lis étaient tous deux petits et secs, très vieux, avec des mines grises, la femme serrée dans une robe noire, le mari vêtu d’une mince redingote, où l’on ne voyait que la tache d’un large ruban rouge.

— Monsieur, reprit ce dernier, on m’a décoré à l’âge