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POT-BOUILLE

ras : elle venait d’asseoir Lilitte en chemise sur la table ronde, et tâchait de la rhabiller.

— Qu’y a-t-il donc ? demanda le jeune homme.

— Mais c’est cette petite ! répondit-elle. J’ai eu la mauvaise idée de la déshabiller, parce qu’elle se plaignait. Et je ne sais plus, je ne sais plus !

Il la regarda, étonné. Elle tournait et retournait une jupe, cherchait les agrafes. Puis, elle ajouta :

— Vous comprenez, c’est son père qui m’aide à l’arranger, le matin, avant de partir… Moi, je ne me retrouve jamais toute seule dans ses affaires. Ça m’ennuie, ça m’agace…

La petite, cependant, lasse d’être en chemise, effrayée par la vue d’Octave, se débattait, se renversait sur la table.

— Prenez garde ! cria-t-il, elle va tomber.

Ce fut une catastrophe. Marie avait l’air de ne point oser toucher aux membres nus de sa fille. Elle la regardait toujours, avec l’ébahissement d’une vierge, stupéfaite d’avoir pu faire ça. Et, outre la peur de la casser, il entrait dans sa maladresse une vague répugnance de cette chair vivante. Pourtant, aidée par Octave qui la calmait, elle rhabilla Lilitte.

— Comment ferez-vous donc, quand vous en aurez une douzaine ? disait-il en riant.

— Mais nous n’en aurons jamais plus ! répondit-elle, effarée.

Alors, il plaisanta : elle avait tort de jurer, un enfant est si vite fait !

— Non ! non ! répéta-t-elle avec entêtement. Vous avez entendu maman, l’autre jour. Elle l’a bien défendu à Jules… Vous ne la connaissez pas : ce seraient des querelles interminables, s’il en venait un deuxième.

Octave s’amusait de sa tranquillité à discuter cette question. Il la poussa, sans parvenir à l’embarrasser.