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SON EXCELLENCE EUGÈNE ROUGON.

taient ; des chapeaux, au loin, agités par des mains qu’on ne distinguait pas, mettaient au-dessus de la foule une large vague noire, dont le flot gagnait lentement de proche en proche. Puis, ce furent les maisons du quai Napoléon, situées en face de la place, qui s’émurent les premières ; aux fenêtres, les gens se haussèrent, se bousculèrent, avec des visages ravis, des bras tendus montrant quelque chose, à gauche, du côté de la rue de Rivoli. Et, pendant trois éternelles minutes, le pont resta encore vide. Les cloches de Notre-Dame, comme prises d’une fureur d’allégresse, sonnaient plus fort.

Tout d’un coup, au milieu de la multitude anxieuse, des trompettes parurent, sur le pont désert. Un immense soupir roula et se perdit. Derrière les trompettes et le corps de musique qui les suivait, venait un général accompagné de son état-major, à cheval. Ensuite, après des escadrons de carabiniers, de dragons et de guides, commençaient les voitures de gala. Il y en avait d’abord huit, attelées de six chevaux. Les premières contenaient des dames du palais, des chambellans, des officiers de la maison de l’empereur et de l’impératrice, des dames d’honneur de la grande-duchesse de Bade, chargée de représenter la marraine. Et Gilquin, sans lâcher madame Correur, lui expliquait dans le dos que la marraine, la reine de Suède, n’avait, pas plus que le parrain, pris la peine de se déranger. Puis, lorsque passèrent la septième voiture et la huitième, il nomma les personnages, avec une familiarité qui le montrait très au courant des choses de la cour. Ces deux dames, c’étaient la princesse Mathilde et la princesse Marie. Ces trois messieurs, c’étaient le roi Jérôme, le prince Napoléon et le prince de Suède ; ils avaient avec eux la grande-duchesse de Bade. Le cortége avançait lentement. Aux portières, des écuyers, des aides de camp,