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Page:Emile Zola - Son Excellence Eugène Rougon.djvu/159

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SON EXCELLENCE EUGÈNE ROUGON.

faut avouer de pareilles aventures. Au fond de la pièce, Clorinde était debout, prêtant une oreille distraite à une conversation sur les récoltes, engagée entre son mari et M. Béjuin. Vêtue d’une robe écrue, très-chargée de rubans paille, elle tapait à petits coups d’éventail la paume de sa main gauche, en regardant fixement le globe lumineux de l’unique lampe qui éclairait le salon. À une table de jeu, dans la clarté jaune, le colonel et M. Bouchard jouaient au piquet ; tandis que Rougon, sur un coin du tapis vert, faisait des réussites, relevant les cartes d’un air grave et méthodique, interminablement. C’était son amusement favori, le jeudi et le dimanche, une occupation qu’il donnait à ses doigts et à sa pensée.

— Eh bien, ça réussira-t-il ? demanda Clorinde, qui s’approcha, avec un sourire.

— Mais ça réussit toujours, répondit-il tranquillement.

Elle se tenait devant lui, de l’autre côté de la table, pendant qu’il disposait le jeu en huit paquets.

Quand il eut retiré toutes les cartes, deux à deux, elle reprit :

— Vous avez raison, ça réussit… À quoi aviez-vous pensé ?

Mais lui, leva les yeux lentement, comme étonné de la question :

— Au temps qu’il fera demain, finit-il par dire.

Et il se remit à étaler les cartes. Delestang et M. Béjuin ne causaient plus. Un rire perlé de la jolie madame Bouchard sonnait seul dans le salon. Clorinde s’approcha d’une fenêtre, resta là un moment, à regarder la nuit qui tombait. Puis, sans se retourner, elle demanda :

— A-t-on des nouvelles de ce pauvre M. Kahn ?

— J’ai reçu une lettre, répondit Rougon. Je l’attends ce soir.