les deux à une tranquille familiarité. Il lui ramenait sur les tempes les mèches folles de ses cheveux, qu’elle avait toujours au vent, ou bien l’aidait à retrouver au milieu des fauteuils, la traîne de sa robe d’une longueur exagérée. Un jour, comme ils traversaient le jardin, elle eut la curiosité de pousser la porte de l’écurie. Elle entra, en le regardant, avec un léger rire. Lui, les mains dans les poches, se contenta de murmurer, souriant aussi :
— Hein ! est-on bête, parfois !
Puis, à chaque visite, il lui donnait d’excellents conseils. Il plaidait la cause de Delestang, qui en somme était un bon mari. Elle, sagement, répondait qu’elle l’estimait ; à l’entendre, il n’avait pas encore contre elle un seul sujet de plainte. Elle disait ne pas être seulement coquette, ce qui était vrai. Dans ses moindres paroles perçait une grande indifférence, presque un mépris pour les hommes. Quand on parlait de quelque femme dont on ne comptait plus les amants, elle ouvrait de grands yeux d’enfant, des yeux surpris, en demandant : « Ça l’amuse donc ? » Elle oubliait sa beauté pendant des semaines, ne s’en souvenait que dans quelque besoin ; et alors elle s’en servait terriblement, comme d’une arme. Aussi, lorsque Rougon, avec une insistance singulière, revenait à ce sujet, lui conseillait de rester fidèle à Delestang, finissait-elle par se fâcher, criant :
— Mais laissez-moi tranquille ! Je songe bien à tout ça… Vous êtes blessant, à la fin !
Un jour, elle lui répondit carrément :
— Eh bien, si ça arrivait, qu’est-ce que ça pourrait vous faire ?… Vous n’avez rien à y perdre, vous !
Il rougit, cessa pendant quelque temps de lui parler de ses devoirs, du monde, des convenances. Ce frisson persistant de jalousie était tout ce qui restait dans sa