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LES ROUGON-MACQUART.

comme une soudaine apothéose ; les piqueurs sonnaient des fanfares ; les valets de chiens secouaient les torches ; des flammes de Bengale brûlaient, sanglantes, incendiant la nuit, baignant les têtes placides des bourgeois de Compiègne, entassés sur les côtés, d’une pluie rouge, à larges gouttes.

L’empereur, tout de suite, tourna le dos. Et comme Rougon se trouvait à côté de lui, il parut sortir de la profonde rêverie qui le tenait maussade depuis le dîner.

— Monsieur Rougon, dit-il, j’ai songé à votre affaire… Il y a des obstacles, beaucoup d’obstacles.

Il s’arrêta, il ouvrit les lèvres, les referma. Puis, s’en allant, il dit encore :

— Il faut rester à Paris, monsieur Rougon.

Clorinde, qui entendit, eut un geste vif de triomphe. Le mot de l’empereur ayant couru, tous les visages redevinrent graves et anxieux, pendant que Rougon traversait lentement les groupes, se dirigeant vers la galerie des Cartes.

Et, en bas, les chiens achevaient leurs os. Ils se coulaient furieusement les uns sous les autres, pour arriver au milieu du tas. C’était une nappe d’échines mouvantes, les blanches, les noires, se poussant, s’allongeant, s’étalant comme une mare vivante, dans un ronflement vorace. Les mâchoires se hâtaient, mangeaient vite, avec la fièvre de tout manger. De courtes querelles se terminaient par un hurlement. Un gros braque, une bête superbe, fâché d’être trop au bord, recula et s’élança d’un bond au milieu de la bande. Il fit son trou, il but un lambeau des entrailles du cerf.