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SON EXCELLENCE EUGÈNE ROUGON.

tirent à demeurer quelque temps encore à Paris, huit jours, pas plus. Le mari dénouait laborieusement les cordes dont il avait ficelé la petite malle ; la femme, bien qu’il fût à peine trois heures, venait d’allumer une bougie, pour replacer le linge et les vêtements dans les tiroirs. Quand il les quitta, Rougon leur serra affectueusement la main, en renouvelant ses promesses.

Dans la rue, au bout de dix pas, il se repentit. Pourquoi avait-il retenu ces Charbonnel, qui s’entêtaient à vouloir partir ? C’était une excellente occasion pour se débarrasser d’eux. Maintenant, il se trouvait plus que jamais engagé à leur faire gagner leur procès. Et il était surtout irrité contre lui-même, en s’avouant les motifs de vanité auxquels il avait obéi. Cela lui semblait indigne de sa force. Enfin, il avait promis, il aviserait. Il descendit la rue Bonaparte, suivit le quai et traversa le pont des Saints-Pères.

Le temps restait doux. Sur la rivière, cependant, un vent très-vif soufflait. Il se trouvait au milieu du pont, boutonnant son paletot, lorsqu’il aperçut devant lui une grosse dame chargée de fourrures, qui lui barrait le trottoir. À la voix, il reconnut madame Correur.

— Ah ! c’est vous, disait-elle d’un air dolent. Il faut que je vous rencontre pour consentir à vous serrer la main… Je ne serais pas allée chez vous de huit jours. Non, vous n’êtes pas assez obligeant.

Et elle lui reprocha de n’avoir pas fait une démarche qu’elle lui demandait depuis des mois. Il s’agissait toujours de cette demoiselle Herminie Billecoq, une ancienne élève de Saint-Denis, que son séducteur, un officier, consentait à épouser, si quelque âme honnête voulait bien avancer la dot réglementaire. D’ailleurs, toutes ces dames la persécutaient ; madame veuve Leturc attendait son bureau de tabac ; les autres, madame Char-