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LES ROUGON-MACQUART.

Le colonel leva les yeux au ciel.

— Des hommes comme Rougon sont nécessaires au pays, reprit-il, après un silence. L’empereur commettrait une faute.

Et le silence recommença. Clorinde voulut allonger la tête dans la salle des Pas perdus ; mais un huissier referma brusquement la porte. Alors, elle revint auprès de sa mère, muette sous sa voilette noire. Elle murmura :

— C’est crevant d’attendre.

Des soldats arrivaient. Le colonel annonça que la séance était finie. En effet, les Charbonnel parurent, en haut de l’escalier. Ils descendaient prudemment, le long de la rampe, l’un derrière l’autre. Quand M. Charbonnel aperçut le colonel, il lui cria :

— Il n’en a pas dit long, mais il leur a joliment cloué le bec !

— Les occasions lui manquent, répondit le colonel à l’oreille du bonhomme, lorsque celui-ci fut près de lui ; autrement vous l’entendriez ! Il faut qu’il s’échauffe.

Cependant, les soldats avaient formé une double haie, de la salle des séances à la galerie de la présidence, ouverte sur le vestibule. Et un cortége parut, pendant que les tambours battaient aux champs. En tête marchaient deux huissiers, vêtus de noir, portant le chapeau à claque sous le bras, la chaîne au cou, l’épée à pommeau d’acier au côté. Puis, venait le président, qu’escortaient deux officiers. Les secrétaires du bureau et le secrétaire général de la présidence suivaient. Quand le président passa devant la belle Clorinde, il lui sourit en homme du monde, malgré la pompe du cortége.

— Ah ! vous êtes là, dit M. Kahn qui accourait effaré.

Et bien que la salle des Pas perdus fût alors interdite au public, il les fit tous entrer, il les mena dans l’em-