moi-même, je vous ai fait prier de venir ce matin… Hein ! voilà une jolie tuile, cinq cent mille francs !
Il plaisantait, heureux de leurs visages bouleversés. Madame Charbonnel put enfin demander d’une voix étranglée et timide :
— C’est fini, bien sûr ?… On ne recommencera plus le procès ?
— Non, non, soyez tranquilles. L’héritage est à vous.
Et il donna quelques détails. Le Conseil d’État n’avait pas autorisé les sœurs de la Sainte-Famille à accepter le legs, en se basant sur l’existence d’héritiers naturels, et en cassant le testament qui ne paraissait pas avoir tous les caractères d’authenticité désirables. Monseigneur Rochart était exaspéré. Rougon, qui l’avait rencontré la veille chez son collègue le ministre de l’instruction publique, riait encore de ses regards furibonds. Son triomphe sur le prélat l’égayait beaucoup.
— Vous voyez bien qu’il ne m’a pas mangé, dit-il encore. Je suis trop gros… Oh ! tout n’est pas terminé entre nous. J’ai vu ça à la couleur de ses yeux. C’est un homme qui ne doit rien oublier. Mais ceci me regarde.
Les Charbonnel se confondaient en remercîments, avec des révérences. Ils dirent qu’ils partiraient le soir même. Maintenant, ils étaient pris d’une vive inquiétude : la maison de leur cousin Chevassu, à Faverolles, se trouvait gardée par une vieille domestique dévote, très-dévouée aux sœurs de la Sainte-Famille ; peut-être, en apprenant l’issue du procès, allait-on dévaliser leur maison. Ces religieuses devaient être capables de tout.
— Oui, partez ce soir, reprit le ministre. Si quelque chose clochait là-bas, écrivez-moi.
Il les reconduisait. Quand la porte fut ouverte, il remarqua l’étonnement des figures, dans l’antichambre ;