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SON EXCELLENCE EUGÈNE ROUGON.

tions ! » Au demeurant, ni émotion, ni surprise… Lorsque Du Poizat est revenu, il pinçait les lèvres, la face blanche comme un linge. Cette tranquillité de son père l’exaspérait. En voilà un sur le dos duquel il ne montera jamais !

M. Kahn hochait discrètement la tête. Il avait remis la liste des invitations dans sa poche, il prenait à son tour une tasse de thé, en jetant des coups d’œil dans le salon voisin.

— Rougon dort debout, dit-il. Ces imbéciles devraient bien le laisser aller se coucher. Il faut qu’il soit solide pour demain.

— Je ne l’avais pas revu, reprit Gilquin. Il a engraissé.

Puis, il baissa encore la voix, il répéta :

— Très-forts, ces gaillards !… Ils ont manigancé je ne sais quoi, au moment du grand coup. Moi, je les avais avertis. Le lendemain, patatras ! la danse a eu lieu tout de même. Rougon prétend qu’il est allé à la préfecture, où personne n’a voulu le croire. Enfin, ça le regarde, on n’a pas besoin d’en causer… Cet animal de Du Poizat m’avait payé un fameux déjeuner dans un café des boulevards. Oh ! quelle journée ! Nous avons dû passer la soirée au théâtre ; je ne me souviens plus bien, j’ai dormi deux jours.

Sans doute M. Kahn trouvait les confidences de Gilquin inquiétantes. Il quitta la salle à manger. Alors, Gilquin, resté seul, se persuada que la femme du proviseur le regardait décidément. Il rentra dans le salon, s’empressa auprès d’elle, finit par lui apporter du thé, des petits fours, de la brioche. Il était vraiment fort bien ; il ressemblait à un homme comme il faut mal élevé, ce qui paraissait attendrir peu à peu la belle blonde. Cependant, le député démontrait la nécessité d’une nouvelle église à Niort, l’adjoint demandait un pont, le proviseur par-