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LES ROUGON-MACQUART.

Elle restait à demi nue, la chemise glissée des épaules. Le baron, de ses lèvres pâles, trouva un sourire d’indulgence ; et il se tint debout près d’elle, les yeux froids et clairs, penché dans un salut d’extrême politesse.

— Vous venez pour les nouvelles, n’est-ce pas ?… Je sais justement quelque chose.

Elle se leva, renvoya Antonia, qui lui laissa le peigne planté dans les cheveux. Sans doute elle eut encore peur d’être entendue, car elle posa une main sur l’épaule du banquier, se haussa, lui parla à l’oreille. Le banquier, en l’écoutant, avait les yeux fixés sur sa gorge, qui se tendait vers lui ; mais il ne la voyait certainement pas, il hochait vivement la tête.

— Voilà ! conclut-elle à voix haute. Vous pouvez marcher maintenant.

Il la reprit par le bras, la ramena contre lui, pour lui demander certaines explications. Il n’aurait pas été plus à l’aise en face d’un de ses commis. Quand il la quitta, il l’invita à venir dîner le lendemain ; sa femme s’ennuyait de ne pas la voir. Elle l’accompagna jusqu’à la porte. Mais, tout d’un coup, elle croisa les bras sur sa poitrine, très-rouge, en s’écriant :

— Ah bien ! moi qui m’en vais comme ça avec vous !

Alors, elle bouscula Antonia. Cette fille n’en finissait plus ! Et elle lui donna à peine le temps de la coiffer, disant qu’elle n’aimait pas à traîner ainsi à sa toilette. Malgré la saison, elle voulut mettre une longue robe de velours noir, une sorte de blouse flottante, serrée à la taille par un cordon de soie rouge. Déjà, à deux reprises, on était monté prévenir madame que le dîner était servi. Mais, comme elle traversait sa chambre, elle y trouva trois messieurs, dont personne ne soupçonnait la présence en cet endroit. C’étaient les trois réfugiés politi-