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SON EXCELLENCE EUGÈNE ROUGON.

fondre tout le clergé de Faverolles devant les tribunaux.

Un matin, de bonne heure, les Charbonnel se firent annoncer. Il fut très-étonné, il ne les savait pas à Paris. Dès qu’il les aperçut, il leur cria que les choses marchaient bien ; la veille, il avait encore envoyé des instructions au préfet pour obliger le parquet à se saisir de l’affaire. Mais M. Charbonnel parut consterné, madame Charbonnel s’écria :

— Non, non, ce n’est pas cela… Vous êtes allé trop loin, monsieur Rougon. Vous nous avez mal compris.

Et tous deux se répandirent en éloges sur les sœurs de la Sainte-Famille. C’étaient de bien saintes femmes. Ils avaient pu un instant plaider contre elles ; mais jamais, certes, ils n’étaient descendus jusqu’à les accuser de vilaines actions. Tout Faverolles, d’ailleurs, leur aurait ouvert les yeux, tant les personnes de la société y respectaient les bonnes sœurs.

— Vous nous feriez le plus grand tort, monsieur Rougon, dit madame Charbonnel en terminant, si vous continuiez à vous acharner ainsi contre la religion. Nous sommes venus pour vous supplier de vous tenir tranquille… Dame ! là-bas, ils ne peuvent pas savoir, n’est-ce pas ? Ils croyaient que nous vous poussions, et ils auraient fini par nous jeter des pierres… Nous avons donné un beau cadeau au couvent, un christ d’ivoire qui était pendu au pied du lit de notre pauvre cousin.

— Enfin, conclut M. Charbonnel, vous êtes averti, ça vous regarde maintenant… Nous autres, nous n’y sommes plus pour rien.

Rougon les laissa parler. Ils avaient l’air très-mécontents de lui, même ils finissaient par hausser la voix. Un léger froid lui était monté à la nuque. Il les regardait, pris subitement d’une lassitude, comme si un peu de sa force venait encore de lui être enlevé. D’ailleurs,