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Page:Emile Zola - Son Excellence Eugène Rougon.djvu/453

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SON EXCELLENCE EUGÈNE ROUGON.

papier marchaient ferme, cette fois en manière d’approbation. L’orateur de la gauche voulut répondre ; mais ses amis l’en empêchèrent. Le tumulte alla en s’apaisant, se perdit dans le brouhaha des conversations particulières.

— La parole est à Son Excellence M. Rougon, reprit M. de Marsy d’une voix calmée.

Un frisson courut, un soupir de curiosité satisfaite qui fit place à une attention religieuse. Rougon, les épaules arrondies, était monté pesamment à la tribune. Il ne regarda pas d’abord la salle ; il posait devant lui un paquet de notes, reculait le verre d’eau sucrée, promenait ses mains, comme pour prendre possession de l’étroite caisse d’acajou. Enfin, adossé au bureau, au fond, il leva la face. Il ne vieillissait pas. Son front carré, son grand nez bien fait, ses longues joues sans rides, gardaient une pâleur rosée, un teint frais de notaire de petite ville. Seuls ses cheveux grisonnants, si rudement plantés, s’éclaircissaient vers les tempes et découvraient ses larges oreilles. Les yeux à demi clos, il jeta un regard dans la salle, attendant encore. Un instant, il parut chercher, rencontra le visage attentif et penché de Clorinde, puis commença, la langue lourde et pâteuse.

— Nous aussi nous sommes des révolutionnaires, si l’on entend par ce mot des hommes de progrès, décidés à rendre au pays, une à une, toutes les sages libertés…

— Très-bien ! très-bien !

— Eh ! messieurs, quel gouvernement mieux que l’empire a jamais réalisé les réformes libérales dont vous venez d’entendre tracer le séduisant programme ? Je ne combattrai pas le discours de l’honorable préopinant. Il me suffira de prouver que le génie et le grand cœur de l’empereur ont devancé les réclamations