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SON EXCELLENCE EUGÈNE ROUGON.

n’y a plus qu’à donner l’ordre à Merle de me faire porter ces paquets-là chez moi.

Il appela l’huissier, lui indiqua ses papiers personnels. À toutes les recommandations, l’huissier répondait :

— Oui, monsieur le président.

— Eh ! animal, finit par crier Rougon agacé, ne m’appelez donc plus président, puisque je ne le suis plus.

Merle s’inclina, fit un pas vers la porte, et resta là, à hésiter. Il revint, disant :

— Il y a en bas une dame à cheval qui demande monsieur… Elle a dit en riant qu’elle monterait bien avec le cheval, si l’escalier était assez large… C’est seulement pour serrer la main à monsieur.

Rougon fermait déjà les poings, croyant à une plaisanterie. Mais Delestang, qui était allé regarder par une fenêtre du palier, accourut en murmurant, l’air très-ému :

— Mademoiselle Clorinde !

Alors, Rougon fit répondre qu’il descendait. Puis, comme Delestang et lui prenaient leurs chapeaux, il le regarda, les sourcils froncés, d’un air soupçonneux, frappé de son émotion.

— Méfiez-vous des femmes, répéta-t-il.

Et, sur le seuil, il donna un dernier regard au cabinet. Par les trois fenêtres, laissées ouvertes, le plein jour entrait, éclairant crûment les cartonniers éventrés, les tiroirs épars, les paquets ficelés et entassés au milieu du tapis. Le cabinet semblait tout grand, tout triste. Au fond de la cheminée, les tas de papiers brûlés, à poignées, ne laissaient qu’une petite pelletée de cendre noire. Comme il fermait la porte, la bougie, oubliée sur un coin du bureau, s’éteignit en faisant éclater la bobèche de cristal, dans le silence de la pièce vide.