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LES ROUGON-MACQUART.

M. La Rouquette s’éventait avec son mouchoir. Clorinde, très-sérieuse, avait repris sa pose. Et Rougon, dans le recueillement subit qui s’était fait, marchait à petits pas, de long en large, regardant les murs. La galerie se trouvait encombrée d’une étonnante débandade d’objets ; des meubles, un secrétaire, un bahut, plusieurs tables, poussés au milieu, établissaient un labyrinthe d’étroits sentiers ; à une extrémité, des plantes de serre chaude, reléguées, culbutées les unes contre les autres, agonisaient, avec leurs palmes vertes pendantes, déjà toutes mangées de rouille ; tandis que, à l’autre bout, s’amoncelait un gros tas de terre glaise séchée, dans lequel on reconnaissait encore les bras et les jambes émiettés d’une statue que Clorinde avait ébauchée, mordue un beau jour du caprice d’être une artiste. La galerie, très-vaste, n’avait en réalité de libre qu’un espace restreint devant une des baies, sorte de vide carré transformé en petit salon par deux canapés et trois fauteuils dépareillés.

— Vous pouvez fumer, dit Clorinde à Rougon.

Il remercia ; il ne fumait jamais. Elle, sans se tourner, cria :

— Chevalier, faites-moi donc une cigarette. Vous devez avoir du tabac devant vous, sur le piano.

Et, pendant que le chevalier faisait la cigarette, le silence recommença. Rougon, contrarié de trouver là tout ce monde, allait prendre son chapeau. Il revint pourtant devant Clorinde, la tête levée, souriant :

— Ne m’avez-vous pas prié de passer pour me montrer quelque chose ? demanda-t-il.

Elle ne répondit pas tout de suite, très-grave, tout à la pose. Il dut insister :

— Qu’est-ce donc, ce que vous vouliez me montrer ?

— Moi ! dit-elle.