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LES ROUGON-MACQUART.

par quelque sentiment douloureux et inavouable.

Dans l’ombre, une rougeur était montée au visage d’Hélène. L’abbé avait donc lu dans son cœur ? Il connaissait donc le trouble qui grandissait en elle, cette agitation intérieure qui emplissait sa vie, maintenant, et qu’elle-même jusque-là n’avait pas voulu interroger ? Son ouvrage tomba sur ses genoux. Une mollesse la prenait, elle attendait du prêtre comme une complicité dévote, qui allait enfin lui permettre d’avouer tout haut et de préciser ces choses vagues qu’elle refoulait au fond de son être. Puisqu’il savait tout, il pouvait la questionner, elle tâcherait de répondre.

— Je me mets entre vos mains, mon ami, murmura-t-elle. Vous savez bien que je vous ai toujours écouté.

Alors, le prêtre garda un moment le silence ; puis, lentement, gravement :

— Ma fille, il faut vous remarier, dit-il.

Elle resta muette, les bras abandonnés, dans la stupeur que lui causait un pareil conseil. Elle attendait d’autres paroles, elle ne comprenait plus. Cependant, l’abbé continuait, plaidant les raisons qui devaient la décider au mariage.

— Songez que vous êtes jeune encore… Vous ne pouvez rester davantage dans ce coin écarté de Paris, osant à peine sortir, ignorant tout de la vie. Il vous faut rentrer dans l’existence commune, sous peine de regretter amèrement plus tard votre isolement… Vous ne vous apercevez point du lent travail de cette réclusion, mais vos amis remarquent votre pâleur et s’en inquiètent.

Il s’arrêtait à chaque phrase, espérant qu’elle l’interromprait et qu’elle discuterait sa proposition. Mais elle demeurait toute froide, comme glacée par la surprise.

— Sans doute, vous avez une enfant, reprit-il. Cela