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LES ROUGON-MACQUART.

toujours maîtresse d’elle. Pour des misères, elle a des joies et des tristesses qui m’inquiètent, tant elles sont vives… Elle m’aime avec une passion, une jalousie qui la font sangloter, lorsque je caresse un autre enfant.

Il hocha la tête, en répétant :

— Oui, oui, délicate, nerveuse, jalouse… C’est le docteur Bodin qui la soigne, n’est-ce pas ? Je causerai d’elle avec lui. Nous arrêterons un traitement énergique. Elle est à l’époque où la santé d’une femme se décide.

En le voyant si dévoué, Hélène eut un élan de reconnaissance.

— Ah ! monsieur, que je vous remercie de toute la peine que vous avez prise !

Puis, ayant élevé la voix, elle vint se pencher au-dessus du lit, de peur d’avoir réveillé Jeanne. L’enfant dormait, toute rose, avec son vague sourire aux lèvres. Dans la chambre calmée, une langueur flottait. Une somnolence recueillie et comme soulagée avait repris les tentures, les meubles, les vêtements épars. Tout se noyait et se délassait dans le petit jour entrant par les deux fenêtres.

Hélène, de nouveau, demeurait debout dans la ruelle. Le docteur se tenait à l’autre bord du lit. Et, entre eux, il y avait Jeanne, sommeillant avec son léger souffle.

— Son père était souvent malade, reprit doucement Hélène, revenant à l’interrogatoire. Moi, je me suis toujours bien portée.

Le docteur, qui ne l’avait point encore regardée, leva les yeux, et ne put s’empêcher de sourire, tant il la trouvait saine et forte. Elle sourit aussi, de son bon sourire tranquille. Sa belle santé la rendait heureuse.