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UNE PAGE D’AMOUR.

jusqu’au culte, et elle se grisait dans ce mystère d’amour et de pureté, en face de Marie vierge et mère, couronnée de ses roses blanches. Chaque jour, elle restait agenouillée davantage. Elle se surprenait parfois les mains jointes. Puis, la cérémonie achevée, il y avait la douceur du retour. Henri attendait à la porte, les soirées se faisaient tièdes, on rentrait par les rues noires et silencieuses de Passy, en échangeant de rares paroles.

— Mais vous devenez dévote, ma chère ! dit un soir madame Deberle en riant.

C’était vrai, Hélène laissait entrer la dévotion dans son cœur grand ouvert. Jamais elle n’aurait cru qu’il fût si bon d’aimer. Elle revenait là, comme à un lieu d’attendrissement, où il lui était permis d’avoir les yeux humides, de rester sans une pensée, anéantie dans une adoration muette. Chaque soir, pendant une heure, elle ne se défendait plus ; l’épanouissement d’amour qu’elle portait en elle, qu’elle contenait toute la journée, pouvait enfin monter de sa poitrine, s’élargir en des prières, devant tous, au milieu du frisson religieux de la foule. Les oraisons balbutiées, les agenouillements, les salutations, ces paroles et ces gestes vagues sans cesse répétés, la berçaient, lui semblaient l’unique langage, toujours la même passion, traduite par le même mot ou le même signe. Elle avait le besoin de croire, elle était ravie dans la charité divine.

Et Juliette ne plaisantait pas seulement Hélène, elle prétendait qu’Henri lui-même tournait à la dévotion. Est-ce que, maintenant, il n’entrait pas les attendre dans l’église ! Un athée, un païen qui déclarait avoir cherché l’âme du bout de son scalpel et ne pas l’avoir trouvée encore ! Dès qu’elle l’apercevait, en arrière