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LES ROUGON-MACQUART.

dure. Elle leva lentement les yeux sur Rosalie, la regarda un instant, pendant qu’elle rougissait davantage, les lèvres humides, les cheveux envolés. Puis, elle baissa de nouveau les paupières, reprit une poignée de cailloux, n’eut pas la force de jouer ; et elle resta les deux mains dans la terre chaude, somnolente, au milieu de la grande vibration du soleil. Un flot de santé remontait en elle et l’étouffait. Les arbres lui semblaient gigantesques et puissants, les roses la noyaient dans un parfum. Elle songeait à des choses vagues, surprise et ravie.

— À quoi pensez-vous donc, mademoiselle ? demanda Rosalie inquiète.

— Je ne sais pas, à rien, répondit Jeanne. Ah ! si, je sais… Vois-tu, je voudrais vivre très-vieille…

Et elle ne put expliquer cette parole. C’était une idée qui lui venait, disait-elle. Mais, le soir, après le dîner, comme elle restait songeuse et que sa mère l’interrogeait, elle posa tout à coup cette question :

— Maman, est-ce que les cousins et les cousines se marient ensemble ?

— Sans doute, dit Hélène. Pourquoi me demandes-tu ça ?

— Pour rien… Pour savoir.

Hélène était d’ailleurs habituée à ses questions extraordinaires. L’enfant se trouva si bien de l’heure passée dans le jardin qu’elle y descendit tous les jours de soleil. Les répugnances d’Hélène disparurent peu à peu ; l’hôtel demeurait fermé, Henri ne se montrait pas, elle avait fini par rester et s’asseoir près de Jeanne, sur un bout de la couverture. Mais, le dimanche suivant, elle s’inquiéta en voyant, le matin, les fenêtres ouvertes.